vendredi 3 octobre 2014

Histoire parallèle : septembre-octobre 1914-2014 -
l'avancée allemande sur le front occidental en France est au maximum : visite des départements touchés par le conflit.

Soldat garde-frontière allemand sur la frontière franco-allemande, quelque part dans les Vosges alsaciennes  :
 très belle carte postale allemande.  Les poteaux portent les emblèmes et les couleurs des deux pays ennemis de l'époque.


 • Vers le 6 septembre 1914, pendant la Bataille de la Marne, l'avancée de l'armée allemande a atteint sa position maximale en France, dans la direction du Sud lors de la Première Guerre mondiale. Certaines unités étaient à quelques dizaines de km de Paris, la capitale, à portée de canon. Puis la contre-offensive des armées franco-britanniques a repoussé les allemands sur l'Aisne.
 • Vers le 20 octobre, la progression des deux adversaires dans la Course à la mer, destinée à prendre l'avantage l'un sur l'autre par enveloppement et contournement, est arrivée à son terme. L'affaire se termine par un match nul et tous les belligérants se retrouvent face à face jusqu'aux plages de Flandre.
• En Alsace et en Lorraine aussi, le front avait reculé dès la fin du mois d'août de quelques dizaines de km, et même un peu au-delà de la frontière de 1871. C'est d'ailleurs là, seulement en Alsace du sud, que la conquête du terrain est à l'avantage des français.
 Ainsi, de Nieuport, sur la côte flamande belge,  jusqu'aux environs de Belfort, à la frontière avec la Suisse, le front est désormais stabilisé et ne va plus beaucoup bouger jusqu'en 1918 et la seconde bataille de la Marne.


 Voici une illustration des 15 départements français qui ont été touchés, par ces différentes offensives allemandes consécutives et leur représentation sous forme de chromolithographies (chromos), des images publicitaires datant approximativement de 1900.  J'ai choisi ces documents très populaires et recherchés par les collectionneurs, car ils ont pour certains, la particularité de présenter des armoiries de villes françaises surprenantes. Les auteurs des images ont certainement pris leur inspiration, pour la partie héraldique, dans l' Armorial National de France avec notices et descriptions historiques de Henri Traversier et Léon Vaisse, édition de 1842 → .  C'est pour cette raison que j'ai extrait quelques armoiries de l'ouvrage en question pour confirmer le dessin.
Autres époques, autres blasons ! rien n'est figé dans le temps.
 
Carte illustrée du département des Ardennes , un des premiers occupés par l'armée prussienne chronologiquement, le blason en haut à gauche est celui du chef-lieu de l'époque,  Mézières : "De gueules à la lettre capitale M d'or surmontée de deux râteaux démanchés du même". Suite à la fusion des villes de Charleville et de Mézières le 1er octobre 1966, la nouvelle commune de Charleville-Mézières devient chef-lieu du département.

Charleville-Mézières
 (blason actuel)


Carte illustrée du département de la Meuse, le blason en haut à gauche est celui du chef-lieu,  Bar-le-Duc : "D'azur à deux bars adossés d'argent séparés par une croisette du même". Un blason assez fantaisiste, par ailleurs, car c'est un semé de croisettes que nous devrions avoir pour cet ancien blason de Bar-le-Duc ou plutôt celui du Duché de Bar, comme ci-dessous.
Bar-le-Duc (blason actuel)



Carte illustrée du département de la Meurthe-et-Moselle, le blason en bas à gauche est celui de la ville de Metz " Parti d'argent et de sable". Un nouvelle curiosité dans cette série, puisque Metz est une ville de la Moselle voisine et donc fait
 partie du territoire annexé par le IIe Reich en 1871. Or, nous le voyons bien sur la carte, le chef-lieu de la Meurthe puis
de la Meurthe-et-Moselle a toujours été Nancy ! on devrait donc voir sur cette illustration le blason de Nancy
 (voir ci-dessous, le modèle de 1842).
  Mais si on regarde bien nous voyons à droite : deux jeunes filles,  une en costume traditionnel de la Lorraine
et une discrètement placée derrière elle avec le costume de l'Alsace . Le blason de Metz et la petite alsacienne
sont évidemment une revendication déguisée pour appeler le retour de ces territoires perdus par la France: propagande
 revancharde !

Nancy (blason actuel)




Carte illustrée du département des Vosges, le blason sur la droite est celui du chef-lieu ,  Épinal : il 'agit d'un ancien blason qui a eu une existence assez longue au XIXe siècle  (il est notamment enregistré ainsi dans l' Armorial National de France de Henri Traversier et Léon Vaisse, édition de 1842) , ici il est  " Étayé d'argent et de sable au chef échiqueté de sable et d'argent sur trois rangs", mais les émaux sont aussi souvent représentés inversés , comme on le voit ci-dessous.
Le véritable blason d'Épinal est : "De gueules à la tour d'argent, ouverte, ajourée et maçonnée de sable, accostée de deux fleurs de lis d'or".

Épinal (blason actuel)





 l'Alsace-Lorraine annexée par l'Allemagne en 1871 suite au traité de Francfort
 compose le Reichsland Elsass-Lothringen divisé en trois districts (bezirke) :
 Lorraine, Basse-Alsace et Haute-Alsace.

Carte postale allemande des éditions Gabelmann à Strasbourg, vers 1900,  avec le blason de Metz , chef-lieu du Bezirk Lothringen ( district de Lorraine, futur département de la Moselle)."Parti d'argent et de sable". On notera la forme atypique de l'écu allemand.
 armoiries de Metz  dans l' Armorial National de France de Henri Traversier et Léon Vaisse, édition de 1842
Metz (blason actuel)


Carte postale allemande des éditions Gabelmann à Strasbourg, vers 1900,  avec le blason de Strasbourg , chef-lieu du Bezirk Unterelsaß (district de Basse-Alsace, futur département du Bas-Rhin). "D'argent à la bande de gueules". Argentoratum est le nom de la ville pendant la période romaine.
 armoiries  de Strasbourg  dans l' Armorial National de France de Henri Traversier et Léon Vaisse, édition de 1842

Strasbourg (blason actuel)

Carte postale allemande des éditions Gabelmann à Strasbourg, vers 1900,  avec le blason de Colmar, chef-lieu du Bezirk Oberelsaß ( district de Haute-Alsace, futur département du Haut-Rhin). "Parti de gueules et de sinople, à la masse d'armes d'or en barre brochant". Le blason allemand semble avoir troqué la masse d'armes par une lance d'or.
 armoiries de Colmar dans l' Armorial National de France de Henri Traversier et Léon Vaisse, édition de 1842

Colmar (blason actuel)



Carte illustrée du Territoire du Belfort, le blason en haut à gauche est celui de la ville de Colmar "Parti de gueules et de sinople, à la masse d'armes d'or en barre brochant ". Nouvelle curiosité historique sur cette carte, puisque Colmar est une ville d'Alsace et donc faisant partie du territoire annexé par le IIe Reich en 1871. Le Territoire de Belfort, a été créé à partir de la seule partie de l'Alsace (le Haut-Rhin, chef-lieu Colmar) qui a été concédé à la France après la défaite de 1870. Son chef-lieu est naturellement Belfort ( blason en 1842 ci-dessous).

Belfort (blason actuel)


Carte illustrée du département de la Marne, le blason en haut à gauche est celui de Reims qui n'était (et n'est toujours) que chef-lieu d'arrondissement: "D’argent à deux rinceaux de laurier de sinople courbés et passés en double sautoir; au chef d’azur semé de fleurs de lis d’or". Erreur des concepteurs de la carte ou préférence vers la plus grande ville du département, nous ne savons pas, toujours est-il que la carte porte désormais le blason de Châlons-sur-Marne, le vrai chef-lieu de département, dans les nouvelles éditions (voir ci-dessous) : "D’azur à la croix d’argent cantonnée de quatre fleurs de lis du même".



Reims (blason actuel)
Châlons-en-Champagne (blason actuel)


Carte illustrée du département de la Seine-et-Marne, le blason en haut à droite est celui attribué au chef-lieu,  Melun : il s'agit d'un blason qui a eu une vie assez longue au XIXe siècle  (il est notamment enregistré ainsi dans l' Armorial National de France de Henri Traversier et Léon Vaisse, édition de 1842), ici il est  " D'azur à sept besants d'or posés 3,3 et 1 , au chef d'or". Ce sont en réalité les armes des Comtes de Melun, dynastie de sang royal dont l'origine géographique est dans cette ancienne cité. La ville a son propre blason "D'azur semé de fleurs de lis d'or, à la forteresse d'argent, ouverte, ajourée et maçonnée de sable", dont on trouve l'origine dans un sceau du XVe siècle (voir plus bas).

Melun (blason actuel)


Carte illustrée du département de l' Aisne, le blason en haut à gauche est celui du chef-lieu,  Laon : "D'azur au chef d'argent chargé de trois merlettes de sable ", encore un blason divergent qui a eu une vie assez longue au XIXe siècle  (il est notamment enregistré ainsi dans l' Armorial National de France de Henri Traversier et Léon Vaisse, édition de 1842). Mais traditionnellement, la ville porte depuis le XIIe siècle "  D'argent à trois merlettes de sable; au chef d'azur chargé de trois fleurs de lis d'or".
Laon (blason actuel)



Carte illustrée du département de l'Oise, le blason en haut à droite est celui du chef-lieu,  Beauvais : "De gueules au pal alésé
 et aiguisé d’or". Depuis quelques années la ville est revenue au blason initial "de gueules au pal d'argent (ni alésé, ni fiché)" comme on le voit plus bas. Dommage, cette figure avait de l'originalité !
Beauvais (blason actuel)



Carte illustrée du département de la Somme, le blason en haut à gauche est celui du chef-lieu,  Amiens : "De gueules aux
rinceaux (au lierre) d'argent ; au chef d'azur semé de fleurs de lis d'or".
Amiens (blason actuel)




Carte illustrée du département du Pas-de-Calais, le blason en haut à gauche est celui du chef-lieu,  Arras : "D'azur à la fasce d'argent chargée de trois rats de sable, accompagnée d'une mitre d'abbé d'or en chef et de deux crosses du même passées en sautoir en pointe".  Ici encore nous avons un blason divergent qui a représenté la ville d'Arras pendant plusieurs décennies  après avoir été enregistré sous cette forme dans l'Armorial Général de France de Charles-René d'Hozier (édit royal de 1696, finalisé en 1711) et qui a continué sa vie au XIXe siècle, en combinant des armes parlantes : "A-rats" avec les armoiries représentant la célèbre et très ancienne Abbaye Saint-Vaast d'Arras. Mais les véritables armes de la ville se blasonnent :  "De gueules au lion d’or, armé et lampassé d’azur, chargé en cœur d’un écusson d’azur semé de fleurs de lis d’or au lambel de gueules de trois pendants chargés chacun de trois petits châteaux d’or rangés en pal" (ci-dessous), qui sont les armes de l'Artois. On peut comprendre que les habitants d'Arras identifiés par des rats, n'ont pas voulu poursuivre l'aventure !
Arras (blason actuel)



Carte illustrée du département du Nord, le blason au centre à gauche est celui attribué au chef-lieu, Lille : "D'azur à la fleur de lis d'argent ". Il s'agit d'une variante inhabituelle de couleur car on connait bien depuis des siècles l'illustre blason de Lille  avec un champ de gueules. Et le blason que nous voyons ici pourrait être confondu avec celui de Soissons, dans le département voisin de l'Aisne.  Les armes de Lille ont eu effectivement "une période bleue" (elles sont notamment enregistrées ainsi dans l' Armorial National de France de Henri Traversier et Léon Vaisse, édition de 1842, encore lui ! , voir ci-dessous).
Lille (blason actuel)




crédits :
• chromos : une des séries de cartes éducatives qui accompagnait la vente des produits de mercerie " le Fil Géographique" pour les couturières et les brodeuses (ci-contre).
• blasons anciens : "Armorial National de France de Henri Traversier et Léon Vaisse, édition de 1842 ".
• les blasons "modernes" sauf celui de Lille, proviennent tous du site http://armorialdefrance.fr , merci Daniel !






 Avec ce dernier département du Nord, nous atteignons la Mer du Nord, là où le front ne peut aller plus loin.  Ce front qui s'infléchit sensiblement à l’intérieur du territoire belge sur le petit fleuve côtier : l'Yser, laissant ainsi un minuscule territoire à la Belgique qui n'a pas été envahi et occupé par l'avancée allemande. Ce petit morceau de Belgique sera défendu héroïquement pendant toute la fin de l'année 1914 et tiendra même jusqu'à la fin de la guerre, mais au prix de centaines de milliers de morts. Les innombrables nécropoles parsemant la région en sont le témoignage. Sans compter les dommages causés par blessures et par le sinistre gaz moutarde ou ypérite, du nom de la ville belge d'Ypres où il a été "inauguré" pour la première fois.



En parallèle de la petite série des chromos "départements" que nous venons de parcourir, il existe aussi une série
pour les pays, avec ici la France ci-dessus, et l'Empire allemand, ci-dessous

Vous pouvez poursuivre la découverte des autres départements français avec les chromos "le Fil Géographique"  → ICI




                   Herald Dick

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